L’oubli et la ruse du diable : le devoir des anciens mouvements armés - IRIS NEWS

Guillaume Muhozafévrier 4, 2024
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À ma connaissance, aucun des partis issus des rebellions n’a encore sorti de livre ou de film documentant leur lutte armée. Pourtant, documenter leur parcours permettrait de garantir la préservation d’une mémoire collective solide et authentique.

La légende de l’intrépide Ngurube, j’en ai entendu parler depuis l’école primaire. Malheureusement, je n’en ai qu’un vague souvenir. Celui qui connaît mieux les exploits de cet ancien guérillero mythique du CNDD-FDD ferait bien de nous les partager.

De mon côté, c’est un voisin démobilisé, qui passait ses journées à ressasser les aventures vécues en tant que combattant du PALIPEHUTU-FNL, du CNDD-Intagoheka, puis du CNDD-FDD, qui m’a soufflé à l’oreille les prouesses du fameux Ngurube.

Je me souviens vaguement de ses récits sur leur traversée du fleuve Congo, où des mines et des grenades explosaient à leur passage, causant de nombreuses pertes parmi leurs compagnons de lutte. Il me parlait également de leurs expéditions périlleuses dans la forêt de la Kibira ou dans les forêts tanzaniennes. Il évoquait aussi les négociations de cessez-le-feu, les trahisons entre camarades et bien d’autres choses dont je ne me souviens que de manière floue, tellement j’étais encore très jeune.

Un autre jour, lors d’une discussion avec un officier plutôt pompeux que ne le sont ses grades, il m’a raconté comment, dans les maquis, il leur arrivait de se nourrir de leurs camarades. Oui, vous avez bien entendu : se délecter de la chair de leurs compagnons. Contexte : un gouvernement d’un pays dans le sud de l’Afrique leur avait promis des armes. Pour les obtenir, il fallait traverser deux pays.

Cependant, dans ces deux pays, les populations utilisaient des moyens peu conventionnels pour protéger leurs champs. Le « Ururengeko », ce sortilège qui faisait que si vous cueilliez une mangue, une aubergine ou déterreriez un bout de manioc pour le manger, vous mourriez immédiatement. Il était donc impossible de trouver de la nourriture. Solution : se nourrir de leurs frères d’armes. Celui qui tombait était soigneusement dépecé et devenait le repas des autres, et ainsi de suite.

Je ne peux pas dire s’il m’a menti, mais son récit était à la fois fascinant et effrayant. Auriez-vous jamais pensé que l’on puisse manger son frère pour rester en vie dans la bataille pour défendre une cause et recouvrer sa liberté ? Moi, en tout cas, je ne l’aurais jamais imaginé.

Ne dit-on pas qu’un peuple sans histoire est un monde sans âme ?

Voilà pourquoi l’écriture et la documentation du parcours des anciens mouvements armés s’impose.

Chers anciens combattants, nous sommes d’accord que vous n’êtes pas allés au maquis pour piller, tuer vos « ennemis » ou pour d’autres motifs futiles. Vous y êtes allés pour défendre des causes, pour la libération des vôtres, pour lutter contre l’injustice. D’ailleurs, vous y avez laissé vos frères et sœurs. Dieu merci, si vous êtes toujours en vie, en entier ou pas, peu importe votre état. Certains d’entre vous scandent « Caratavunye ». Alors, dites-nous pourquoi et comment « Cabavunye ».

Pourquoi le CNDD-FDD a-t-il pris les armes ? Qu’en est-il du PALIPEHUTU-FNL ? Et qu’en est-il des autres anciens mouvements armés ? Et aujourd’hui, comment évaluez-vous les résultats de vos luttes ? Ont-elles été vaines ? Sinon Comment vous vous y prenez pour éviter d’envoyer d’autres personnes se battre contre vous pour les mêmes raisons que celles qui vous ont fait gagner le maquis ou pour d’autres nouveaux prétextes qui pourraient surgir ? Comment protégez-vous les acquis de toutes ces années de combat ?

Vous avez acquis une expertise unique pendant vos luttes, en tirant des leçons sur la résilience, la détermination, la diplomatie et la gestion des conflits. Documenter ces enseignements permettrait aux générations futures de bénéficier de cette expérience accumulée. Nous, les jeunes, pourrons ainsi identifier les facteurs qui ont contribué à l’escalade des tensions et formuler des solutions durables pour éviter de retomber dans les mêmes schémas destructeurs.

Ces histoires de courage, de détermination et de persévérance peuvent encourager les jeunes à s’engager pacifiquement pour des causes justes et à croire en leur capacité à apporter des changements positifs dans la société.

Sinon, bonjour les amalgames et les multiples formes de manipulation de l’histoire, au passage les nouvelles générations n’auront rien appris des luttes qui ont non seulement façonné leur présent, mais aussi leur avenir. L’oubli et la ruse du diable.

 

 

Guillaume Muhoza


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