
J’ai récemment été invité à une rencontre entre une organisation d’étudiants en médecine et leur partenaire régional, qui se trouvait en visite au Burundi. Cette expérience m’a marqué, et je souhaite partager les raisons pour lesquelles elle m’a autant séduit.
Il y a d’abord cette capacité de ces jeunes à s’unir pour une cause commune. Ce n’est pas un simple rassemblement de bonnes volontés, ni une levée de fonds pour les “grands projets humanitaires”. Non. mais un véritable engagement collectif autour d’un objectif clair.
L’organisation regroupe des étudiants qui, malgré des emplois du temps saturés et les défis inhérents à leur formation – entre examens, travaux pratiques et révisions – réussissent à mener à bien des actions concrètes dans des communautés à travers le pays, y compris dans les régions les plus isolées. En l’espace de deux ans, ils ont réalisé plus de 15 activités majeures sur le terrain. Je préfère ne pas m’étendre sur les détails financiers de leurs projets, mais disons simplement qu’ils gèrent un portefeuille digne d’admiration, surtout lorsqu’on considère leur jeunesse et leur inexpérience.
Et tout cela, dans un cadre rudimentaire, sans l’appui de financements colossaux ni de soutien institutionnel. Quand on compare cela à certains projets publics où l’argent semble toujours se perdre dans les méandres administratifs, on ne peut qu’admirer leur capacité à produire des résultats.
Mais au-delà de leur ingéniosité, ce qui m’a frappé, c’est leur désir insatiable d’apprendre, d’évoluer, d’ajouter à leur bagage plus que ce que leur cursus académique ne leur impose. Ces étudiants maîtrisent des outils qu’aucun programme scolaire ne leur a enseignés. Excel, PowerPoint, gestion de projet, communication impactante – des compétences qui devraient être au cœur de toute formation moderne. Et ce n’est pas là un simple survol ; c’est une maîtrise appliquée, acquise par eux-mêmes, souvent en autodidacte. Cela contraste avec les milliers de diplômés qui, une fois dans le monde du travail, peinent à s’adapter à des outils aussi élémentaires.
Ensuite, il y a leur manière de communiquer : fluide, simple, mais tellement percutante. Là où d’autres se perdent dans des discours pompeux et hermétiques, ces jeunes parviennent à transmettre leur message de manière limpide, captivante, presque artistique. Leur storytelling est plus qu’une technique, c’est une façon de rendre l’essentiel à la portée de tous, de capter l’attention et de convaincre sans fioritures.
Ils ont aussi compris la mécanique du monde d’aujourd’hui, celui où le numérique est roi. Alors qu’ici, certains peinent à voir l’impact de la communication moderne, ces étudiants savent que l’image, la visibilité, sont les clés du pouvoir. Ils ont su s’adapter aux nouvelles règles du jeu en ligne, en tissant des partenariats avec des organisations respectées comme le FNUAP ou Care International. Mais ce qui m’a impressionné, c’est leur capacité à utiliser les outils modernes pour maximiser l’impact de leur travail, pour transformer chaque projet en un projet visible, médiatisé, valorisé.
Je trouve qu’il y a, dans cette rencontre, une énergie qui devrait profondément interroger nos élites politiques et économiques. D’abord, il leur faudrait une capacité qu’ils semblent avoir oubliée : celle de mobiliser les citoyens pour une cause, sans se limiter aux intérêts partisans. Le pays n’a pas besoin d’unité temporaire fondée sur des avantages immédiats, mais bien d’un véritable engagement autour de causes communes. Et là, force est de constater que nos décideurs, souvent plus préoccupés par le court terme, peinent à fédérer et à unir au-delà des clivages.
Ensuite, il serait temps de comprendre que le progrès ne s’arrête pas aux frontières des diplômes ou des formations initiales. La culture de l’apprentissage permanent, du dépassement de soi, est une valeur qui, hélas, n’a pas encore trouvé place dans la mentalité de nos élites. Ils doivent intégrer cette idée dans leurs pratiques, sans quoi ils s’enfermeront dans une stagnation. Si l’on veut vraiment progresser, il ne suffit plus d’être titulaire d’un diplôme ou de passer de longues années sur un siège en tant que ministre. Il faut avant tout s’engager dans une dynamique d’évolution constante.
Enfin, et c’est peut-être la leçon la plus essentielle, un pays ne se contente pas de gérer ses affaires internes. Il doit aussi savoir travailler son image, sa visibilité sur la scène internationale. Un véritable soft power, qui passe par une communication stratégique et un rayonnement maîtrisé. À ce titre, n’hésitons pas à investir massivement dans des cabinets d’experts internationaux pour nous construire cette image.
Ces jeunes sont donc une leçon. Non seulement ont-ils la capacité de s’organiser pour réaliser des projets tangibles, mais ils le font avec une capacité d’adaptation, une autonomie et une vision qui sont des qualités précieuses dans un environnement en constante évolution. Les jeunes, aujourd’hui, savent prendre leur destin en main, et ils ne se contentent pas de rêver : ils agissent.
La grande question : combien de jeunes sont alignés par les partis politiques sur les listes des députés, des conseillers communaux, et qu’en est-il au niveau des conseillers collinaires ?
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Chaque matin, Guillaume Muhoza se lève tôt et nous livre son « JE TROUVE QUE », une série d’élucubrations souvent futiles, qu’il puise dans son vécu, dans les choses et les gens qui l’entourent, ainsi que dans l’actualité du Burundi et du monde. Lorsqu’il ne se laisse pas emporter par l’émerveillement face à des « riens », il se perd dans les disques rayés de ses souvenirs évanescents ou rumine les peines d’un jeune homme égaré, pris dans la ronde des jours qui s’enchaînent et se confondent.