
Au Croco Brasseur, bar en vogue au cœur de Bujumbura, une exposition s’est ouverte ce 30 juin. Intitulée « Mémoire en reflets », elle réunit deux jeunes artistes burundais, Jessy Solana Nihorimbere et Yvan Ndayikunda — alias Yvan de l’Art — qui conjuguent leurs sensibilités dans une exploration douce et profonde de ce qui nous relie à nous-mêmes et aux autres.
Pour Yvan de l’Art tout commence en 2009 : « On m’a demandé de peindre sur une petite boutique en bois… C’était mon premier boulot. » Yvan intégrera plus tard l’École Technique Supérieure de Gitega, dont il sortira diplômé en 2019. Depuis, il multiplie les formes : toiles, illustrations numériques, commandes pédagogiques, peintures commerciales… Un art au service du quotidien.
Son œuvre, dit-il, célèbre « les traditions, les voix des anciens, les danses des villages, les sourires des mères ». À travers ses tableaux, il tente de « donner une matérialité au souvenir », un moyen, selon lui, « d’immortaliser les habitudes culturelles du Burundi, face à la montée inexorable de la modernité ».
Une passion venue plus tard pour Solana
Chez Jessy Solana, la trajectoire est différente. D’abord passionnée d’informatique, elle se forme en webdesign avant de découvrir la peinture en 2018. Une révélation douce, presque intime. « Ma famille m’a soutenue dès le début. C’est même elle qui est venue la première ici », confie-t-elle. Soutenue, prise au sérieux, elle s’autorise à y plonger pleinement.
Son art, à elle, est introspectif. Il interroge : « Je suis inspirée par les comportements sociaux et la psychologie. Je veux que les gens se demandent : et moi, qu’est-ce que je ferais ? » Une peinture qui invite à la projection, à l’identification.
Une exposition pensée comme un tremplin
Pour la représentante du Croco Brasseur, cette exposition va au-delà du simple accrochage : « L’art et la culture ne sont pas seulement des expressions esthétiques, mais des leviers de mémoire, de dialogue, et de transformation », a-t-elle souligné, affirmant la volonté de l’établissement « de devenir un espace vivant pour l’art burundais ».
Solana, également coordinatrice du projet, insiste : « Ce n’est pas juste une exposition. C’est une vraie collaboration, une opportunité pour les artistes de se déployer pleinement. »
Un art ancré dans le réel
Les deux artistes le martèlent : l’art, ici, n’est pas un luxe. Il fait vivre. « Nos œuvres, c’est du tissu, du bois, du pigment. Une chaîne entière qui se mobilise. On a notre part », résume Yvan. Une manière, aussi, de dire que dans ce Burundi en mutation, la culture ne se regarde pas seulement : elle génère des revenus.
Cette exposition marque le début d’une initiative porteuse : un partenariat entre le Croco Brasseur et les artistes, dans une logique de promotion et de soutien durable à la creation artistique locale. Un engagement pensé pour durer, dans un pays où les mécènes et les espaces consacrés à l’art restent encore trop rares.
P.S : L’expo est ouverte au Croco Brasseur du 1er au 25 juillet, de 11h à 20h. N’hésitez pas à vous faire plaisir — et surtout à acheter des œuvres, pour l’amour et le soutien à l’art.