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Droits successoraux de la femme au Burundi : Report sine die ? - IRIS NEWS

La Rédactionmars 15, 2025
Union Européenne

Le 7 mars 2025, à la veille de la Journée internationale de la femme, un panel d’une grande richesse s’est tenu à l’Institut Français du Burundi. Organisé par l’Équipe Europe, ce débat a mis en lumière les défis majeurs auxquels les femmes burundaises sont confrontées en matière d’accès à la terre et de droits successoraux.

Parmi les intervenants, Dr Vénérand Nsengiyumva, a dressé un tableau préoccupant des inégalités de genre qui persistent dans ce domaine vital.

La terre, un bien précieux, mais inaccessible pour nombre de femmes

La question de l’accès à la terre au Burundi est au cœur des inégalités de genre qui traversent la société. Selon une étude de 2014 citée par le Dr Nsengiyumva, parmi les 80,2 % de Burundais propriétaires de terrains, seules 17,5 % sont des femmes.

Ce chiffre alarmant témoigne de la marginalisation persistante des femmes dans la gestion des ressources foncières. Pourtant, la terre reste l’un des éléments les plus fondamentaux de la vie rurale burundaise, notamment en tant que source de subsistance, d’identité et de pouvoir social.

Un film éloquent pour illustrer la situation : « The Letter »

Avant le débat, un film poignants intitulé The Letter, réalisé par Maia Lekow et Christophe King, a été projeté pour illustrer de manière saisissante les défis auxquels les femmes sont confrontées lorsqu’elles se battent pour leurs droits fonciers.

L’histoire de ce fils aîné qui tente de récupérer la propriété de sa mère en l’accusant de sorcellerie, un prétexte bien trop fréquent en Afrique pour priver une femme de son bien, est une métaphore forte de l’injustice qui prévaut. Ce type de manipulation rappelle à quel point les droits des femmes sur la terre sont fragiles, et souvent remis en question par des pratiques patriarcales profondément ancrées.

Les avancées juridiques : une lueur d’espoir ?

Malgré cet état de fait inquiétant, le Dr Nsengiyumva a également mentionné certaines avancées législatives notables. Depuis 1940 et 1960, des dispositions ont été mises en place pour garantir certains droits aux femmes. Par exemple, une veuve avec des enfants a le droit de rester dans la maison de son défunt mari et de continuer à exploiter les terres familiales. De même, les filles issues d’une fratrie sans garçons peuvent hériter de la propriété de leur père. Mais ces progrès restent insuffisants face aux inégalités qui persistent, notamment dans les familles ayant des garçons.

Dans ce cas, la femme se voit souvent attribuer une portion minuscule de terre, appelée Igiseke, qui ne lui confère qu’un pouvoir très limité. Ces éléments montrent une volonté législative d’avancer, mais aussi les limites d’un système profondément inégal.

Un droit à l’héritage : Un combat difficile mais pas impossible

Dr Nsengiyumva a insisté sur le fait que, malgré ces obstacles, il est possible pour les femmes de lutter pour leurs droits. Il encourage les femmes désireuses d’hériter de manière équitable, au même titre que leurs frères, à saisir la justice. En effet, même si les lois existantes ne favorisent pas systématiquement l’égalité, il est essentiel que les femmes fassent valoir leurs droits devant les tribunaux afin de faire évoluer la jurisprudence en leur faveur.

Ted Hunnik, chef de la coopération à l’ambassade des Pays-Bas au Burundi, a ouvert l’événement en soulignant l’importance d’un cadre juridique et politique qui garantit les mêmes droits fonciers aux femmes et aux hommes. Il a évoqué les bénéfices d’une telle égalité, notamment un développement plus rapide, une redistribution plus équitable des richesses et une meilleure sécurité alimentaire. Selon lui, les pays qui mettent en place ces garanties légales enregistrent des progrès notables dans divers domaines, et le Burundi ne devrait pas être une exception à cette règle.

Des textes légaux contradictoires : Une réflexion nécessaire

Lors du panel, l’enseignante et agricultrice Ange Marie Ndayisenga a également mis en lumière les incohérences des textes juridiques en vigueur. Elle a souligné que, dans de nombreux cas, les certificats fonciers ne mentionnent que le nom de l’époux, ce qui est en contradiction avec la loi sur la communauté des biens. Cette pratique renforce l’invisibilité juridique des femmes en tant qu’actrices économiques à part entière, malgré leur participation active à la gestion des terres familiales. Elle a appelé à une révision des textes législatifs pour mieux refléter la réalité du terrain et garantir des droits équitables à toutes les parties prenantes.

Un avenir en suspens : entre espoirs et doutes

Malgré les avancées légales et les discussions qui se multiplient autour de la question, la situation des femmes burundaises en matière de droits successoraux reste complexe et pleine d’incertitudes. Si le droit à l’héritage et à la gestion des terres s’est amélioré au fil des années, les pratiques sociales, culturelles et familiales continuent souvent de contrecarrer ces avancées. Les femmes sont encore largement dépendantes des hommes pour la prise de décision sur les terres familiales, ce qui limite leur autonomie et leur capacité à s’épanouir économiquement.

Les appels à l’égalité dans l’accès à la terre sont multiples, mais les progrès demeurent lents et fragiles. La question des droits fonciers des femmes burundaises semble donc suspendue dans un avenir incertain, oscillant entre la reconnaissance de droits fondamentaux et la persistance de pratiques discriminatoires. L’enjeu est de taille, car il ne s’agit pas seulement de garantir une plus grande égalité de genre, mais aussi d’offrir aux femmes burundaises les moyens de participer pleinement à la construction d’un avenir durable et prospère pour leur pays.

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