C’est dans son nouvel écrin à Kabondo, Avenue Ganza, numéro 7, que le Festival Buja Sans Tabou a ouvert ses portes hier, pour une sixième édition placée sous le signe d’Ejo, ce mot kirundi qui signifie à la fois hier et demain. Un choix symbolique pour un festival qui veut puiser dans le passé pour enchanter l’avenir.
À 18h40, la scène s’illumine et se dévoile : « …D’un acteur », monologue ciselé par l’illustre Dieudonné Niangouna, étoile du théâtre brazavillois et lauréat du prix de l’Académie française en 2021, interpreté par Freddy Sabimbona, ouvre le bal.
Cette pièce, introspection viscérale de l’âme théâtrale africaine, explore entre autres, les rêves et les duperies d’un artiste aspirant à conquérir l’Occident, tandis que son art, pour subsister, doit esquiver et feinter.
En une narration qui traverse les strates du temps : du « théâtre de bateau » marqué par les marées coloniales au « théâtre d’avion », marqué par les tumultes civils et des tragédies post-coloniales des années 60, ce monologue se révèle être un hymne à la résilience des hommes de scène du continent, artisans d’évasions pour un public avide de se perdre dans la magie du théâtre.
La cadence s’intensifie avec la deuxième ovation, orchestrée par la Troupe Incuti Dance. Quatre silhouettes – Aimée Martial, Fleurette Foufoudé, Micka et le jeune Olivier Hakizimana – se meuvent en une fresque « La danse politique », un voyage à rebours dans le temps où la danse, langage universel, se fait chroniqueuse.
Rythmes exultants, mouvements éloquents, les corps s’enlacent et s’entrelacent en un ballet de grâce et d’histoire, peignant les vicissitudes du Burundi au son de mélopées chargées d’héritage. Un festin pour les sens, une leçon d’histoire en mouvement, coïncidant avec la 33è célébration de la charte de l’unité nationale. Ça ne pouvait mieux tomber.
Le crépuscule tombé, c’est au son envoutant d’Andy Mwag, virtuose de la musique live, et sa bande Kuza Music, que la soirée s’achève. Un instant de pure volupté, où les douces mélodies s’enroulaient dans l’air ambiant, berçant les conversations des convives venus savourer les délices de la buvette de Buja Sans Tabou.
En cette première soirée, Buja Sans Tabou a déjà donné le ton : une édition placée sous le signe de la créativité, de l’engagement et de l’espoir. Un festival qui invite à explorer les tabous, à questionner le passé et à rêver d’un avenir meilleur, où l’art et la culture éclairent le chemin.