Tels des chevaliers d’une autre époque, les membres de la troupe 7 Ngoma s’escriment pour populariser le sixième art dans un centre du pays dont les préoccupations sont très éloignées de l’essor des arts de scène. Découverte.
Alors que le rideau de la sixième édition du Festival Buja Sans Tabou s’apprête à se lever ce lundi 05 février 2024, la Troupe 7 Ngoma sélectionnée pour se produire, nourrit l’ambition de capturer les cœurs et d’y laisser une marque indélébile.
Nyse Bénitha, 25 ans, pionnière de la troupe, est tout excitée. « Ce festival est en quelque sorte notre terre promise. Nous pourrons témoigner de la vigueur et de l’éclat du théâtre de l’intérieur du pays qui, loin de se ternir à l’ombre, rayonne de sa propre lumière. »
Au commencement, toute troupe se fracassait…
Avant la Troupe 7 Ngoma, d’autres troupes théâtrales avaient existé à Gitega ; pas moins de cinq.
Et toutes s’étaient cognées à deux réalités casse-tête : d’une part, peu de jeunes natifs de Gitega y résident. Bon nombre d’entre eux vivent à Bujumbura pour des raisons d’études ou d’emploi. Dans ces conditions, impossible d’envisager un avenir pérenne du théâtre, car ceux qui sont censés y contribuer élisent domicile à Bujumbura.
D’autre part, Gitega est une ville culturellement timide. Deuxième ville du pays, capitale politique du Burundi depuis 2018, le style de vie des gens y est pourtant encore caractérisé par l’entre-soi, un mode de vie quelque peu rural. Même les transports en commun y ont échoué. En réalité, Gitega ne se prend pas comme une ville. Résultat : peu de gens consomment l’art.
Mais tout cela n’a nullement freiné Nyse Bénitha, qui, imprégnée du théâtre depuis ses années au lycée Sainte Thérèse de Gitega, n’a jamais cessé de cultiver un rêve : voir Gitega s’animer au rythme du théâtre.
En 2017 à seulement 19 ans, Nyse Bénitha accouche sa troupe et la baptise « Troupe 7 Ngoma »
Pourquoi ce nom ? Lui demandons-nous. « Parce qu’au début nous étions sept membres. Et puis nous avons jugé bon d’ajouter « Ngoma » qui veut dire tambour, symbole de la province de Gitega », répond-elle.
Rapidement, elle va partager son idée à l’Alliance Française de Gitega qui va lui donner sa bénédiction en mettant à sa disposition un espace de répétitions et de présentation des pièces. Un accompagnement dont Nyse Bénitha se dit toujours particulièrement reconnaissante.
Le gros fait, les doutes restaient néanmoins…
« Gitega n’est pas Bujumbura. L’offre et la consommation artistique y sont limitées. En fait, peu de gens s’intéressent au théâtre. Nous nous sommes alors demandés comment susciter l’intérêt des gens pour cet art. Nous avons trouvé une stratégie : commencer par les écoles, » raconte toujours Nyse Bénitha.
C’est ainsi que la troupe a commencé à se produire dans les établissements scolaires avec un double objectif : « Faire aimer le théâtre aux plus jeunes, qui constitueront non seulement la première « clientèle » de la troupe, mais aussi les acteurs et auteurs de demain, ainsi qu’une force d’attraction pour cet art, » continue Nyse Bénitha. La troupe a également commencé à organiser des formations à l’endroit des élèves pendant les vacances.
De plus, à travers divers projets en partenariat avec différentes institutions et ONG, la troupe s’est produite dans différentes communes ou provinces sur des thèmes variés tels que la santé mentale, la gestion des mémoires, la vérité et la réconciliation, la participation citoyenne, entre autres.
C’est aussi à travers ces projets, « ces commandes », que les membres de la Troupe arrivent à gagner un peu d’argent qui leur permet de continuer à croire dans la capacité de cet art à être un véritable gagne-pain mais, remarque Nyse Bénitha : « Il reste encore un long chemin à parcourir pour arriver à l’étape ou le théâtre devient notre seul métier mais tout proviendra du travail de nos mains. »
De grandes ambitions, des défis géants à terrasser
Nyse Bénitha n’y va pas par quatre chemins : « Nous comptons monter notre propre festival de théâtre à Gitega qui signera la complète renaissance de cet art dans notre ville. »
Néanmoins, si l’aspiration est de taille, un labyrinthe de défis se dresse devant ces hérauts de l’imaginaire. Ils se trouvent confrontés à un manque cruel d’équipements nécessaire pour de bonnes créations artistiques, lumières, gradins… S’ajoute à ce combat la réticence des autorités scolaires qui refusent d’accueillir en leurs enceintes les performances de ces artistes. Et par-dessus-tout, la quête du graal financier pour organiser des formations aux plus jeunes et surtout plusieurs spectacles.
C’est pourtant armée de détermination et bercée par le chant des muses que la Troupe 7 Ngoma avance, prête à sculpter dans le marbre de l’art au Burundi leur légende éternelle.
Que résonne l’écho de leur passion inextinguible !