
Le 10 octobre 2025, un décret présidentiel a officialisé l’entrée de Lyca Mobile Burundi, opérateur mobile virtuel (MVNO), sur le marché des télécommunications. Dans un pays où la lenteur d’Internet et les coupures de réseau sont devenues un refrain quotidien, beaucoup espèrent un renouveau. Mais à y regarder de près, la promesse d’une révolution numérique portée par Lyca Mobile risque de se heurter aux mêmes obstacles que ses prédécesseurs. Voici quatre réalités vérifiées qui en expliquent les raisons.
- Lyca Mobile ne possède pas ses propres infrastructures : une dépendance technique structurelle
Lyca Mobile est un opérateur mobile virtuel (MVNO), c’est à dire qu’il n’installe pas ses propres antennes ni équipements réseau ; il loue la bande passante et les capacités techniques d’opérateurs existants.
Or, les opérateurs actifs sur terrain, Econet Leo, Lumitel, Onatel, partagent déjà un réseau fragile. Les antennes sont vieillissantes et tombent en panne faute d’électricité ou de carburant, comme le reconnaissait au mois de mars dernier, l’ancienne ministre de la Communication, Léocadie Ndacayisaba. « Certains sites ne fonctionnent plus, faute de carburant ou d’électricité suffisante. »
Sans investissement direct dans le réseau, Lyca Mobile ne pourra pas améliorer la qualité technique du service, au mieux, il partagera les mêmes faiblesses.
- Le pouvoir d’achat des Burundais limite toute expansion numérique
Selon l’expert en télécommunications Nathan Ntahondi, le faible niveau de vie des Burundais freine la croissance des TIC. En 2023, sur les 12 millions de Burundais, seulement 1,33 million étaient des internautes, soit 5,5 % de la population (Institute Free Tech) et le Burundi comptait moins de 715 000 utilisateurs actifs des réseaux sociaux (DataReportal).
Dans un marché aussi restreint et à faible revenu, le modèle économique basé sur la vente de données et de minutes prépayées à bas coût ne garantit pas la rentabilité.
Même avec des offres attractives, Lyca Mobile fera face à une demande limitée et à une clientèle peu solvable, un frein majeur à tout développement durable.
- L’environnement énergétique et logistique compromet la fiabilité du service
Le Burundi subit depuis des mois une crise d’électricité et de carburant. Sans courant éléctriques, plusieurs antennes vont à l’arrêt. Aujourd’hui certaines zones du pays sont totalement privées de couverture réseau.
Même si Lyca Mobile voulait améliorer la couverture, ses antennes louées seraient elles aussi affectées par ces pannes d’alimentation.
Tant que le pays ne résout pas ses problèmes structurels d’énergie, aucun opérateur, fût-il étranger, ne pourra garantir une connectivité stable.
- La régulation et la protection des consommateurs restent faibles
L’ARCT (Agence de Régulation et de Contrôle des Télécommunications) est censée surveiller la qualité des services. Mais selon l’Association burundaise des consommateurs (ABUCO) : « Les compagnies de télécommunication ont failli à leur mission, sans que des sanctions réelles soient appliquées. »
Depuis plusieurs années, les plaintes sur la lenteur, les coupures et les surfacturations s’accumulent sans amélioration notable. L’arrivée d’un nouvel acteur ne garantit pas plus de rigueur si les mécanismes de contrôle restent les mêmes. En fin de compte, sans un régulateur actif et transparent, Lyca Mobile risque de s’aligner sur la norme du marché, c’est-à-dire une qualité moyenne sans obligation de résultat.
Conclusion
L’analyse révèle que le problème des télécommunications au Burundi n’est pas tant le manque d’opérateurs que la faiblesse du système dans son ensemble. Lyca Mobile peut apporter de la concurrence, mais pas de révolution, car elle dépend d’infrastructures existantes et défaillantes, un marché peu solvable, le pays souffre d’un déficit énergétique chronique et le régulateur manque d’autorité effective.
Toutefois l’arrivée de Lyca Mobile n’est pas inutile, elle pourrait stimuler la concurrence tarifaire, pousser certains opérateurs à mieux se positionner sur la qualité et réactiver le débat sur la régulation du secteur. Mais croire qu’elle résoudra, à elle seule, la lenteur du réseau, serait plus un espoir qu’un fait vérifié.