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Parce qu’il faut, chaque année, revenir sur la vie de Rwagasore - IRIS NEWS

Guillaume Muhozaoctobre 13, 2025
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Il faut, chaque année, revenir sur Rwagasore. Non par nostalgie, mais par devoir.
Revenir à sa vie, la redire, la transmettre pour que le feu ne s’éteigne pas.
L’an prochain, peut-être, je trouverai d’autres mots. Mais le fond restera le même :
il faut parler de lui. Alors, parlons de lui.

Jeune, élégant, la cigarette vissée au coin des lèvres, curieux de tout, il avait ce charme naturel des êtres à qui tout semble promis.
On dit qu’à Bruxelles, il fréquentait les cafés, les clubs, les cercles étudiants, un prince mondain, goûtant aux plaisirs de son temps.
Mais s’en tenir à cette image serait une erreur.
Louis Rwagasore, c’était bien plus que cela.

Il était de ces jeunes hommes que la jeunesse traverse comme un orage : bouillonnant, parfois distrait, souvent indiscipliné, mais habité par quelque chose de plus grand que lui. Il voulait comprendre, et servir.

Né le 10 janvier 1932 à Gitega, au cœur du royaume du Burundi, il grandit dans un pays, un royaume plutôt, administré par d’autres, observant tranquille, l’arrogance du colonisateur.

Son père, le Mwami Mwambutsa IV Bangiricenge, était un homme de son temps, curieux du monde: il savait que l’avenir du trône, et du pays, dépendrait de l’éducation de ses enfants.

Alors il envoya son fils sur les bancs des écoles où l’on apprenait à penser comme les Blancs. Ce fut d’abord Gitega, puis Kanyinya, l’école des fils de chefs, entre 1940 et 1943. Là, le jeune prince découvrit la discipline, la langue française, la distance entre les mondes.

Puis vint Astrida, au Rwanda, l’école des élites africaines. C’était une institution sévère, presque monastique, mais d’où sortaient les futures élites du Ruanda-Urundi. Entre 1945 et 1952, Rwagasore s’y forgea une rigueur d’esprit. Il y apprit à réfléchir, à se maîtriser, à observer les injustices. Astrida fut pour lui moins une école qu’un éveil.
Il y comprit que le pouvoir, s’il n’est pas orienté vers le bien commun, n’est qu’un masque.

Et puis, à vingt ans, il partit pour l’Europe.
Louvain, en Belgique. 1952-1956.
C’est là, au contact de l’intelligence du monde, qu’il devint Rwagasore.
Il y lut les penseurs africains, discuta avec les jeunes nationalistes venus de tout le continent. Il y apprit à dire « non », calmement, intelligemment, mais fermement. Il y découvrit aussi le racisme ordinaire, les humiliations douces que l’on réserve aux colonisés.
C’est là peut-être que naquit sa conviction : l’émancipation ne s’obtient pas, elle se prend.

Quand il rentra au Burundi, en 1956, il n’était plus le fils du roi. Il était un homme. Et un homme libre.
Ses pairs intellectuels, la première generation des burundais instruits voyaient en lui une curiosité : ce prince qui voulait vivre comme le peuple, qui refusait de profiter des avantages de la cour. Il parlait d’indépendance, d’unité, d’avenir.
En 1958, il fonda, ou plutôt, il réanima, un parti : l’UPRONA.
Un mot d’ordre simple, mais puissant : Unité, Travail, Progrès.

Ce qu’il voulait, ce n’était pas un Burundi des uns contre les autres.
C’était un Burundi debout. Ensemble.
Son verbe était clair, sa voix apaisait. Il disait :

« Vous nous jugerez à nos actes, et votre satisfaction sera notre fierté. »
Et encore :
« Il faut que les habitants se sentent en paix et en sécurité, que personne ne se croie menacé, et que chacun ait confiance dans la protection du gouvernement. »

Lorsqu’il triompha aux élections de septembre 1961, il parla encore, non en vainqueur, mais en rassembleur :

« Dans toute compétition, fut-elle politique, il y a un gagnant et un perdant. Mais le vainqueur et le perdant sont tous des Barundi, membres de la même famille nationale, enfants d’un même Mwami. Le Burundi a besoin de tous. »
Et de conclure :
« La victoire d’aujourd’hui n’est pas celle d’un parti, mais le triomphe de la paix, de la discipline et de la tranquillité publique. »

1961.
Le 18 septembre, l’UPRONA triomphe aux élections.
Le 28, Rwagasore est nommé Premier ministre.
Le 13 octobre, il est assassiné.

Tout s’est joué en vingt-cinq jours.
La balle fut tirée par un mercenaire grec, mais la main qui arma le pistolet était belge.
Les colons belges avaient compris que ce jeune homme allait changer leur monde.
Alors ils l’ont fait taire.

Mais ils n’ont pas réussi à l’effacer.
Le 1er juillet 1962, le Burundi accéda à l’indépendance.
Rwagasore n’était plus là, mais son esprit planait sur la cérémonie.
Le pays pleurait son fils, mais célébrait son héritage.

Louis Rwagasore n’a vécu que vingt-neuf ans, mais il a donné au Burundi une boussole morale.
Il a montré que la jeunesse, quand elle sait où elle va, peut faire plier les géants.
Et il a rappelé qu’on peut être prince sans être prisonnier du pouvoir,
que l’on peut être jeune sans être frivole,
et que la vraie noblesse ne réside pas dans les privilèges,
mais dans le courage de s’en défaire pour servir plus grand que soi : la patrie.

 

 

Guillaume Muhoza


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