ShareNet et Iris News lèvent le voile sur le pouvoir des réseaux sociaux pour porter la parole citoyenne - IRIS NEWS

Guillaume Muhozadécembre 22, 20257min50
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À Bujumbura, au siège de ShareNet Burundi, de jeunes participants, ainsi que des membres de la société civile et des médias, se sont réunis le 3 décembre 2025 pour débattre du rôle des organisations de jeunesse dans la promotion d’une justice sociale inclusive, à l’heure où les réseaux sociaux et les technologies numériques sont devenus des outils incontournables d’expression publique. La rencontre était organisée par Iris News, en partenariat avec l’organisation ShareNet Burundi.

 

Si les plateformes numériques permettent à certains Burundais de dénoncer des injustices ou d’interpeller les autorités, leur usage reste néanmoins perçu avec prudence par une partie de la société. Lors de cet échange, plusieurs participants ont souligné qu’au Burundi, publier une opinion critique sur les réseaux sociaux reste, notamment pour les femmes et les jeunes filles, associé à une forme d’« insolence, ubushizi bw’isoni » ou de défiance, surtout lorsqu’il s’agit de sujets sensibles. D’autres estiment encore que critiquer publiquement revient à s’opposer aux dirigeants.

Pour Dacia Munezero, présidente de l’organisation AWOR (Actions for Women’s Rights), l’enjeu dépasse la simple liberté d’expression : « Construire une société inclusive, c’est permettre à chacun d’accéder à ses droits sans exclusion d’aucune sorte », explique-t-elle. Elle appelle les jeunes à ne pas renoncer à s’exprimer lorsqu’une situation pose problème, tout en rappelant la nécessité d’un langage responsable, respectueux et dépourvu de propos haineux ou discriminatoires, en particulier sur les réseaux sociaux, où les contenus polémiques et haineux se propagent comme une traînée de poudre.

Dacia Munezero, présidente de l’organisation AWOR

Un point de vue partagé par Hugues Safari, Directeur exécutif adjoint de Yaga, l’un des médias phares du Burundi, également connu pour ses campagnes citoyennes, telles que “Nta Kori mu Kwezi”, plaidant pour la suppression des taxes sur les serviettes hygiéniques, “Twagwiriye”, qui s’est attaquée à la problématique de la démographie galopante, ou encore “NdiUmupangayi”, qui a alerté sur la hausse des loyers. Selon lui, les réseaux sociaux ne doivent pas être perçus uniquement comme des espaces de désinformation ou de tensions : « Ils offrent aussi des opportunités, notamment en matière d’emploi, de diffusion d’informations utiles et de développement. Signaler une route dégradée, par exemple, ce n’est pas attaquer les autorités, c’est contribuer à améliorer la vie publique », souligne-t-il.

Hugues Safari, Directeur exécutif adjoint de Yaga

Les réseaux sociaux, une aubaine pour l’engagement citoyen des jeunes

Dieudonné Bwitozi, l’un des participants et fondateur d’un hub spécialisé dans la vulgarisation et la création de solutions numériques et en intelligence artificielle, PLC Lab, a salué l’usage d’Internet comme cadre d’expression pour les jeunes. S’appuyant sur son expérience, il explique que les réseaux sociaux l’aident dans son travail de sensibilisation visant à encourager les Burundais à adopter et tirer profit de l’IA : « J’ai même pu intéresser le ministre de l’Économie numérique, qui m’a demandé une note conceptuelle sur l’intégration de l’IA au Burundi. Mes contributions feront partie de celles qui alimenteront la Stratégie nationale de l’Intelligence artificielle actuellement en élaboration. »

Liévin Niyogusenga, Rédacteur en chef d’Iris News, a insisté sur la responsabilité des organisateurs de campagnes digitales : « Il est important que ces initiatives soient bien structurées pour atteindre efficacement leurs cibles », affirme-t-il. Quant à ceux qui perçoivent encore négativement les contributions citoyennes en ligne, il estime qu’ils ont besoin de davantage de sensibilisation, car aujourd’hui, les réseaux sociaux sont devenus de véritables espaces publics où les citoyens peuvent s’exprimer, au même titre que dans les réunions et autres cadres d’échanges traditionnels.

Les intervenants ont également insisté sur un point : beaucoup contribuent déjà à la justice sociale… sans le savoir. Signalement d’infrastructures publiques défaillantes, dénonciation d’injustices, entraide entre pairs : tout cela relève de la justice sociale numérique. Mais, faute de compréhension du concept, ces pratiques restent dispersées, peu structurées et parfois mal perçues. D’où la nécessité d’un effort national d’éducation au numérique citoyen.

Réactions en ligne

La publication des extraits de l’activité a suscité de nombreuses réactions. Parmi elles, le témoignage sur X d’Ines Kidasharira, activiste féministe et voix influente du numérique, qui rappelle que si les femmes s’expriment peu, ce n’est pas par timidité, mais par intimidation.

Elle affirme recevoir régulièrement insultes, attaques personnelles et commentaires dégradants. Pour elle, défendre la justice sociale exige de la conviction, mais aussi une communauté de soutien solide. Sa réaction confirme que ce débat mérite d’être poursuivi, approfondi et porté par un engagement collectif sur le long terme.

 

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