
Trois ans. Je les regarde comme on contemple une cicatrice : avec douleur, avec fierté, avec incrédulité. Trois ans d’Iris News. Trois ans à tenir debout là où neuf organisations de jeunes sur dix s’effondrent avant même d’avoir appris à marcher. Je n’ai pas la prétention de dire que nous avons gagné ; j’ai simplement la certitude de n’avoir pas perdu.
Je me souviens. Septembre 2022. Kirundo. Cinq jours d’isolement volontaire, presque une retraite monastique. J’étais seul, moi et mes idées, dans cette province du Nord. Là, j’ai esquissé, maladroitement peut-être, le contour d’un projet. J’avais vingt-quatre ans et, au fond de moi, la sensation que je tenais quelque chose d’impossible à faire disparaître sous le tapis.
Trois ans plus tard, je ne suis plus seul. Nous sommes plus de quinze, bientôt davantage. Plus de quinze à porter ce rêve devenu un média, un vrai, avec ses histoires, ses analyses, ses failles aussi. Je n’avais pas imaginé cela.
J’ai appris une chose : il n’y a pas d’excuse valable pour ne pas commencer. Les jeunes, dont je fais partie, nous nous inventons sans cesse des barrières : pas d’argent, pas de moyens, pas d’avenir. Mais ce n’est pas vrai. Ce qui compte, c’est le geste initial, aussi dérisoire soit-il. Le reste vient, avec lenteur parfois, avec douleur souvent, mais il vient.
C’est pour cela que j’ai toujours répété, avec entêtement, notre devise : « The media of possibilities. » Ce n’est pas un slogan creux. C’est une déclaration de guerre à la résignation. C’est la phrase qui dit aux jeunes Burundais : osez. Faites. Commencez.
Je dois le dire aussi : rien n’aurait été possible sans ceux qui m’entourent. Ceux qui sont là aujourd’hui, ceux qui sont passés hier, chacun a laissé une trace. Et nous devons aller plus loin : parler davantage d’économie, creuser l’analyse, offrir aux jeunes les histoires qu’ils attendent – sport, culture, divertissement.
Mais bâtir à partir de rien, je le sais mieux que quiconque, n’est jamais aisé. Nous manquons encore d’espace de travail confortable, de moyens, de salaires dignes pour nos collaborateurs. Alors j’en appelle à ceux qui voudront nous tendre la main.
Reste vous, lecteurs. Vous êtes notre première richesse. Vous êtes ma boussole. Vous êtes la seule preuve tangible de la force d’espérer. Trois ans, ce n’est pas un accomplissement. Ce n’est qu’un commencement. L’avenir, lui, reste à inventer.