
L’Office burundais des recettes (OBR) a annoncé hier, par communiqué, qu’à partir de ce 1ᵉʳ octobre 2025, le poste-frontière de Gatumba est érigé en bureau de douane. C’est une nouvelle qui pourrait transformer l’économie transfrontalière de l’ouest du Burundi et désengorger d’autres points d’entrée du pays. Mais elle soulève aussi des questions de sécurité et de capacités techniques.
Désormais, presque toutes les catégories de marchandises pourront transiter par Gatumba. Deux exceptions majeures : les produits pétroliers, alors que, paradoxalement, nombre de Burundais franchissent chaque semaine cette frontière pour s’approvisionner en carburant à Uvira, en RDC, et les marchandises nécessitant un pesage, le poste n’étant pas encore équipé d’un pont-bascule.
Située à seulement 22,5 km de Bujumbura et 6 km d’Uvira dans le Sud-Kivu, la frontière de Gatumba est l’un des corridors les plus stratégiques du pays. Jusqu’ici, elle n’acceptait que des cargaisons d’une valeur inférieure à 2 000 dollars. Les contribuables avec des marchandises au-delà de cette valeur, devaient donc faire le dédouanement par le Port de Bujumbura pour des opérations douanières completes, une procédure coûteuse en temps et en argent. L’élévation de Gatumba au rang de bureau de douane devrait accroître le flux de marchandises et fluidifier les échanges.
Un souffle pour les commerçantes transfrontalières
Cette décision prend tout son sens dans le contexte de l’accord signé le 30 octobre 2024 entre le Burundi et la RDC, qui autorise l’échange sans droits de douane de 66 produits dans le cadre du Régime Commun Simplifié (RECOS). Comme l’a montré la campagne Fungua Njia, de CDE Great Lakes en 2020, la frontière Gatumba constitue une véritable bouffée d’air pour les femmes burundaises actives dans le petit commerce transfrontalier. Elles y trouvent un marché plus vaste et plus liquide, car le dollar y circule abondamment et, depuis quelques années, le franc congolais s’échange légèrement au-dessus du franc burundais (1 FC = 1,12 Fbu au taux officiel du 1ᵉʳ octobre).
Un contexte sécuritaire incertain
Mais l’élan économique promis par l’ouverture de la poste-frontière de Gatumba reste fragile. De l’autre côté de la frontière, à Uvira, la sécurité demeure précaire. L’armée congolaise (FARDC) et la milice armée Wazalendo continuent de s’opposer à la rébellion du M23. En septembre dernier, la frontière a été brièvement fermée après des manifestations à Uvira. Ces tensions ont notamment été attisées par la nomination du général Olivier Gasita Mukunda comme commandant adjoint de la 33ᵉ région militaire des FARDC, une décision contestée par les groupes armés locaux. Des journées « ville morte » avaient paralysé la zone.
Pour Gatumba, la montée en puissance comme bureau de douane est donc une étape cruciale mais non exempte de fragilités : elle exige non seulement des équipements adaptés, comme le pesage, mais surtout un environnement sécuritaire stable.
Si elle est pleinement opérationnelle, cette ouverture devrait alléger la pression sur d’autres corridors commerciaux du pays : Kobero et Gahumo à la frontière tanzanienne, Ruhwa à la frontière congolaise, qui concentrait une bonne partie du trafic malgré des limites logistiques.