Leslyne Nzeyimana
Chaque jour, sous la chaleur de Bujumbura, Christian arpente la ville avec un rêve tenace : « Améliorer sa vie et contribuer au développement de son pays ». Mais que vaut un rêve si le cœur reste enchaîné ?
Christian fait partie des 65% de jeunes qui composent la population burundaise. Comme beaucoup d’entre eux, il fait face à un défi souvent invisible mais omniprésent : Les troubles d’anxiété. Un cercle vicieux parce qu’à son tour, ce problème de santé mentale affecte sa productivité dans un contexte déjà précaire. Doit-il être laissé pour compter?
Chaque 10 octobre, le monde célèbre la Journée mondiale de la santé mentale. À cette occasion, la problématique de la santé mentale est abordée sous divers aspects. Le thème de cette année, « la santé mentale au travail », invite à réfléchir sur ce que des jeunes comme Christian pourraient apporter au développement d’un pays comme le Burundi, s’ils bénéficiaient d’une bonne santé mentale.
Des mots sur nos maux
En 2012, la 65ème Assemblée mondiale de la santé reconnaît l’importance de la santé mentale, à travers la résolution WHA65.1. Un tournant est marqué. Cette reconnaissance place la santé mentale au cœur des stratégies de développement durable, soulignant son lien avec l’éducation, l’emploi, et la réduction des inégalités.
Pour des jeunes comme Christian, cela signifie une promesse de soutien et de meilleures opportunités. En 2016, le Burundi s’y conformera pour développer son plan stratégique national de la santé mentale 2016-2020.
En 2019, l’enquête de base réalisée pour l’intégration de la santé mentale dans les soins de santé primaires au Burundi a révélé que 4 Burundais sur 10 présentaient des troubles psychologiques et que 72,5% de la population souffre de traumatismes psychiques. Christian, comme beaucoup de ses pairs, rêve de réussites scolaires et professionnelles. Cependant, sans soutien adéquat, ces rêves peuvent être compromis.
La santé mentale affecte directement la productivité et les relations sociales. « Une mauvaise santé mentale peut entraîner des difficultés scolaires et professionnelles », limitant ainsi le potentiel des jeunes à contribuer au développement de leur nation.
Investir dans la santé mentale, un pari gagnant
Il est vital que le Burundi intègre la santé mentale dans ses politiques sectorielles, notamment celles relatives à l’éducation et à l’emploi. Cela garantira que les jeunes comme Christian aient les ressources nécessaires pour réussir. Par ailleurs, des évidences prouvent que, pour chaque dollar investi dans le traitement de la santé mentale, le retour économique devrait atteindre 5,70 dollars, grâce à l’amélioration de la santé et aux gains de productivité économique.
Une coopération universitaire entre le Burundi et la Suisse a été établie en 2022. Une initiative fort louable, qui permettra de “mettre en place un système de formation universitaire et postuniversitaire en santé mentale” pour renforcer les ressources humaines du Burundi.
Réformes, réformes !
Il faudrait également une augmentation de structures sanitaires capables de prendre en charge toute personne ayant besoin d’une aide professionnelle dans un pays qui, en 2022, comptait seulement 5 spécialistes en santé mentale et seulement 4 centres de prise en charge.
Puisqu’il vaut toujours mieux prévenir que guérir, des campagnes de sensibilisation sont nécessaires en vue de combattre la stigmatisation et encourager les jeunes à demander de l’aide. Tout cela, en les impliquant dans la conception des programmes qui les leur sont destinés, afin de garantir leur efficacité.
Pour Christian et des millions d’autres, la santé mentale est plus qu’un simple enjeu de société; c’est le gage d’un avenir meilleur sans quoi les rêves d’un futur radieux ne seraient que minables chimères. En adoptant une approche globale qui intègre la santé mentale dans le développement, le Burundi peut non seulement améliorer le bien-être de sa jeunesse, mais aussi réaliser son plein potentiel de développement parce que des jeunes bien dans leur corps, bien dans leur esprit, ne peuvent qu’accomplir des prouesses pour le Burundi.